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Brèves - Page 2

  • Etrange

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    Nous sommes un lundi du début du mois de février, au mitan d’un hiver qui ne connait, cette année, aucun répit dans sa grande générosité à recouvrir de neige routes et chemins du pays. La température extérieure descend nettement sous le zéro degré. La maison est bien chauffée, ce qui est, il faut le dire, qu’une maigre consolation face à la grisaille des jours sans soleil et sans fin. Pourtant, en entrant dans la pièce, l’homme ne peut s’empêcher de se faire cette réflexion. «Que la lumière est douce et agréable aujourd’hui.» Tout semble baigner dans une atmosphère paisible, quasi irréelle. Lui-même n’a jamais été aussi bien et cela depuis fort longtemps...

    Nous sommes un lundi du début du mois de mars, l’hiver desserre son étreinte en diminuant griffures et morsures de froid de façon significative. Les jours gagnent sur les nuits mais la morosité perdure. La déprime guette. Seule note positive : la maison est toujours aussi bien chauffée. Ce jour-là, tout en s’installant dans son fauteuil préféré un livre à la main, l’homme en vient à se faire la même réflexion qu’au mois de février...

     

    Etrange...

     

    21/03/13 - ©dh

  • Sans T

    avec lui

    l’échange s’anime

    se gonfle

    gagne en saveur

    en acide

    dérape parfois

    mais livre les cœurs

    dans une franchise

    noyée d’amour

    mais aussi

    hélas

    parfois de haine

    quand l’insensible arrive

    l’indifférence se replace

    s’efface alors le langage du familier

    à sa place l’ancien

    prince des bonnes manières

    du grand

    du mépris

    de la froideur

    le vous de la bienséance

    qui passe sans vous voir

    alors sans celui que je ne peux nommer

    le u orphelin resserre les bouches

    en caisses de résonnance de sirènes

    pour ces mélodies désespérées

    perdues au loin dans les bois

    là où dans les branches des arbres

    s’enroule l’écharpe sans fin d'un air glacé

     

    14/01/13 - ©dh

  • Collatéral

     

    Quand dans tes yeux monte ce trop-plein de chagrin mêlé à la peur, quand la douleur est telle, qu’un indicible battement de paupière suffit à faire jaillir des torrents de larmes où s’entremêlent des hoquets incontrôlables à t’arracher la poitrine, toi tu es là, petit enfant, témoin innocent de la folie des hommes, les bras ballants, suffoquant de la poussière âcre, debout sur les gravats fumants de ce qui était une maison, ta maison, où vivait une famille, ta famille, tu ne sais pas, tu ne t’imagines pas encore ce sentiment, terrible et destructeur, ce sentiment acteur de ce moment, responsable de finalité, coupable de mort, celui qui vient prendre possession de ton âme, de ton être, de ta vie, qui t’animera, te portera, te guidera, te poussera aux extrêmes, à l’extrême de la pareille que tu rendras à celui, à ceux qui ont voulu, ceux qui ont commis l’irréparable à ton encontre, tu deviendras lui, tu seras eux, gonflé de venin, débordant de ce poison, qui ne t’appartenait pas, qui était à d’autres, mais qui est tien désormais... la haine.

     

     

    16/11/12 - ©dh

  • Vivere tragoedia

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    La bouteille d’encre noire s’est renversée sur les jours qu’il croit inaltérables. Le retour par les ruelles pavées de sa mémoire est mal aisé. Trop pressé et certainement trop sûr de lui, il a oublié d’enlever ses cothurnes et peine à tomber le masque. Descendre de son piédestal, son étiquette et lui ne peuvent l’accepter. Son univers, un grand rôle de composition. Tout en faux semblants, il ne vit plus sa vie, il l’interprète. Il croit, dur comme fer, en son talent, en sa présence. Peu lui importe les mensonges, les trahisons, seul l’acceptation de son jeu par les crédules ne trouve grâce à ses yeux. Il n’est ni immonde, ni bon, ni juste, ni courageux, ni veule... il est comédien. Jusqu’au bout des ongles, jusqu’à la folie. La comédie dévore son existence à un point tel que cette dernière est, sans qu’il ne s’en doute un seul instant, une véritable tragédie.

     

    24/09/12 - ©dh

  • En fin Mai

    Mai… oui… mais encore… parler du temps… pour le laisser passer… s’écouler... en perles de pluie... en larmes de chagrin… et lui, le soleil, viendra-t-il ?

     

    31/05/12 - ©dh

     

  • Double ton

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    C’était il y fort longtemps, à une époque où la chance ne nous souriait guère. La vie était difficile et de la poisse on tentait de s’en accommoder. La région était secouée par d’étranges affaires, à l’image de celle que je m’apprête à vous narrer : le cas Lamarre. Cette histoire avait débuté, si ma mémoire ne me fait pas défaut, un mois de juillet, le jour de la Saint-Jacques à l’auberge des Six Reines, établissement réputé pour sa bonne chère et son ambiance pacifique. Ce jour-là un type, un Français né en Allemagne dans la Sarre, dînait seul. L’homme grand, blanc, pas vraiment blond mais roux, avait pour particularité de dévoiler, quand il souriait, une inquiétante dentition. Son regard était perçant, mais pouvait être angélique selon les circonstances. Même le ton de sa voix rocailleuse savait, parfois, se faire suave. Ce que l’on a su, bien après, c’est que l’homme était dangereux. Ce n’était pas un simple quidam. C’était un pilier de bar, beau parleur, acoquiné avec le milieu. Et quand la serveuse, la jeune Lamarre, eut à s’occuper de ce numéro, cela ne fit aucun pli. Pour la ramener dans ses filets, l’homme prétexta que le service était lent et affirma qu’en choix de desserts la carte frisait l’indigence. Afin de lui éviter des ennuis, la prudence recommandait à la jeune femme de tourner au moins sept fois sa langue ou se tenir prêt au pire. La malheureuse ne voyant pas le bouchon arriver, entra dans le jeu de l’énergumène et…

    Comment ça ? Tout le monde s’en bat l’aine ? C’est bon j’ai compris, mon bateau prend l’eau, c’est le moment où le rat se casse. Ça va, j’arrête de vous faire marrer.


     

    17/08/11 - ©dh

  • 22 janvier...

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    Jamais je ne saurai si le ciel avait été gris ou bleu ce jour-là. Si cela avait été un matin, une après-midi ou un soir. Si une foule s’était pressée ou non sur ce quai, quand accosta ton bateau. Jamais tu ne m’en avais parlé. Exception faite de ce jour où, je me souviens, au cours de l’une de nos trop rares conversations, tu m’avais glissé, un peu comme un aveu, que la traversée avait été plus que pénible et qu’ils avaient dû t’hospitaliser à ton arrivée à Marseille. Tu étais malade et tu te laissais mourir. Le chagrin provoqué par le mal du pays, qu’ils t’avaient forcé à quitter, était si fort que toute lutte te semblait vaine. Tu m’avais dit encore que tu avais surmonté le gouffre noir, grâce à l’un de tes amis, compagnon d’infortune, soutien de la dernière chance. Il avait su trouver les mots justes pour te remonter le moral et tu avais fini par te réalimenter. La suite avait été un mystère. J’étais bien trop jeune pour te questionner. Quand bien même, m’aurais-tu répondu ?

    Aujourd’hui, sachant quel a été ton destin et quelles ont été les conditions de vie terribles que tu partageas avec ces milliers d’autres qui t’accompagnèrent sur cette terre de France, je sais que tu te serais tu. Jamais tu n’as brisé ce silence pendant nos trop courtes années de vie commune. Quand tu es parti, il ne me restait que quelques vieilles photographies pour témoigner de ton passage. Elles donnaient, comme bien souvent c’est le cas, une impression de quiétude mais masquaient, elles comme toi, la réalité de cette tragédie qu’avait été cette partie si douloureuse de ta vie.

    Il y a soixante-dix ans, jour pour jour, tu débarquais en France pour contribuer, doux euphémisme, à l’effort de guerre, toi jeune homme, toi, mon père.


    22/01/10 - ©dh


    Photo du cargo au nom de Yalou dans lequel mon père fit probablement* le voyage pour la France - collection Albert-Jean Pund. *Deux bateaux arrivèrent à Marseille le 22 janvier 1940 après plus de trente jours de navigation : le Sikiang et le Yalou

  • Souvenir

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    Il est dans la vie des instants, heureux ou malheureux, qui laissent en chacun de nous des traces indélébiles. Bien souvent, il en est une qui prédomine. Flotte dans ma mémoire, dans ce marais que sont mes souvenirs, une image revenant de manière récurrente sans que rien ne l’appelle à se manifester. Jamais je n’ai cherché à m’en débarrasser dans le gouffre de l’oubli. Elle ne me dérange pas plus que cela. Elle fait partie de ces choses passées à l’ordinaire pour lesquelles l’indifférence est de mise, de ces objets que l’on côtoie depuis si longtemps qu’il arrive de ne plus les voir bien que, structurellement, ils soient bien là.

    Cette image me ramène immanquablement à une rue, un bout de jardin, un lilas en fleur. Je me souviens de ce matin où, enfant je m’étais arrêté devant ce lilas. Je l’avais contemplé, l’espace de quelques secondes, avant de reprendre ma promenade. Il était planté dans un modeste jardin qui bordait une maison grise et banale. Aucun événement fortuit n’avait marqué cet instant. Vraiment rien qui puisse capter mon attention, capable à ce point d'imprégner ma mémoire.

    Des massifs de lilas à longues tiges ployant sous le poids de fleurs épanouies blanc mauve, rehaussées du vert délicat et profond de leur feuillage, embaumant tout l’alentour de subtiles fragrances, il m’en a été donné d’en voir, d’en humer par centaines. De ceux-là, je n’ai gardé que des souvenirs visuels et olfactifs qui me permettent d’en parler aujourd’hui. Mais aucune rencontre végétale, animale ou humaine ne m’a laissé une empreinte aussi précise, aussi récurrente dans ses apparitions et, surtout, aussi énigmatique par son prosaïsme. Non, la terre n’a pas tremblé ce jour-là et je ne crois pas qu’un alignement de planètes ou un thaumaturge aurait influé sur cette imprégnation d’image. Je me souviens et ne cherche point d'explication à l’éventuelle signification de cette itération visuelle. La vie m’a appris que l’ordinaire, aussi, avait le droit d’exister.

     

    08/10/09 - ©dh