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22 janvier...

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Jamais je ne saurai si le ciel avait été gris ou bleu ce jour-là. Si cela avait été un matin, une après-midi ou un soir. Si une foule s’était pressée ou non sur ce quai, quand accosta ton bateau. Jamais tu ne m’en avais parlé. Exception faite de ce jour où, je me souviens, au cours de l’une de nos trop rares conversations, tu m’avais glissé, un peu comme un aveu, que la traversée avait été plus que pénible et qu’ils avaient dû t’hospitaliser à ton arrivée à Marseille. Tu étais malade et tu te laissais mourir. Le chagrin provoqué par le mal du pays, qu’ils t’avaient forcé à quitter, était si fort que toute lutte te semblait vaine. Tu m’avais dit encore que tu avais surmonté le gouffre noir, grâce à l’un de tes amis, compagnon d’infortune, soutien de la dernière chance. Il avait su trouver les mots justes pour te remonter le moral et tu avais fini par te réalimenter. La suite avait été un mystère. J’étais bien trop jeune pour te questionner. Quand bien même, m’aurais-tu répondu ?

Aujourd’hui, sachant quel a été ton destin et quelles ont été les conditions de vie terribles que tu partageas avec ces milliers d’autres qui t’accompagnèrent sur cette terre de France, je sais que tu te serais tu. Jamais tu n’as brisé ce silence pendant nos trop courtes années de vie commune. Quand tu es parti, il ne me restait que quelques vieilles photographies pour témoigner de ton passage. Elles donnaient, comme bien souvent c’est le cas, une impression de quiétude mais masquaient, elles comme toi, la réalité de cette tragédie qu’avait été cette partie si douloureuse de ta vie.

Il y a soixante-dix ans, jour pour jour, tu débarquais en France pour contribuer, doux euphémisme, à l’effort de guerre, toi jeune homme, toi, mon père.


22/01/10 - ©dh


Photo du cargo au nom de Yalou dans lequel mon père fit probablement* le voyage pour la France - collection Albert-Jean Pund. *Deux bateaux arrivèrent à Marseille le 22 janvier 1940 après plus de trente jours de navigation : le Sikiang et le Yalou

Commentaires

  • et quand je pense que j'ai failli rater ce témoignage sur ton père.....venu avec tant d'autres, transplanté alors par une France bien ingrate
    émotion à te lire sur ce passé là, Daniel

  • merci à toi Tisseuse

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